Yves Caseau - CDIO Michelin : "L'innovation, c'est l'affaire de tous"

Pour Yves Caseau, Group Chief Digital & Information Officer de Michelin, il faut écouter le client, se donner les moyens d'innover, mais aussi être conscient de ses propres capacités.

Yves Caseau - CDIO Michelin : "L'innovation, c'est l'affaire de tous"

Ce témoignage d'Yves Caseau, Group Chief Digital & Information Officer, Michelin, est extrait de notre Livre blanc "Innovation" 🗝


“Faire de l’innovation, c’est l’affaire de tous, y compris de la DSI. Cela peut prendre différentes formes : faire de l’innovation dirigée pour développer des services ou bien faire de l’innovation pour améliorer les processus de l’entreprise grâce au principe d’émergence, c’est-à-dire donner à un maximum d’acteurs les capacités d’expérimenter.

La DSI d’un grand groupe peut tout à fait faire cela, il suffit de le décider. Chez Michelin, cela se matérialise par trois choses : 1/ donner aux équipes du temps à investir dans les projets de leur choix (5%), 2/ une petite équipe qui teste des choses pour donner envie, 3/ un concours d’idées dans les différents départements de la DSI de manière tournante et où l’idée gagnante est testée.

Malheureusement, tous les projets ne sont pas des succès ; l’échec fait partie de la démarche d’innovation. Je vois deux types d’échecs.

Le premier est d’avoir les yeux plus gros que le ventre. Autrement dit, on peut avoir la bonne stratégie mais pas forcément les bonnes compétences. Il faut avoir l’humilité de se le dire et ce n’est pas si simple en France, où l’on est obsédé par les idées et la stratégie, et moins par l'exécution. Si on veut faire le nouveau Tiktok, la barrière à l’entrée est très élevée. Si on est sur un domaine où il y a vraiment un état de l’art, il faut être capable de jouer à ce niveau d’état de l’art. Une stratégie intéressante mais qui suppose un niveau de compétences digitales supérieur à celles dont on dispose est vouée à l’échec.

Le deuxième type d’échec est culturel et concerne l’incapacité à écouter le client. L’entreprise a-t-elle réellement envie d’écouter ses clients ou a-t-elle déjà un portefeuille de services dans sa roadmap digitale sur le point d’être développés et que l’introduction de l’écoute client viendrait perturber ? Il n’y a pas assez de culture lean start-up.

Comme l’explique Eric Ries dans son livre de référence Lean Startup : Adoptez l’innovation continue, la spécificité de l’approche lean réside dans l’obtention de feedbacks rapides et une grande flexibilité dans l’adaptation du produit à ces feedbacks. Faire des tests utilisateurs en suivant un processus linéaire sans boucle de retour est une démarche incomplète. La révolution du lean start-up consiste à dire que les premières itérations permettent de valider ou d’invalider les idées.

Ceci étant dit, ce n’est pas le tout de faire du lean start-up, il faut avoir les moyens de ses ambitions. N’importe qui peut développer une application mobile aujourd’hui. En revanche, développer une application mobile de haute qualité rapidement, récupérer des feedbacks des utilisateurs pour l’améliorer, la mettre à jour et la livrer sans bugs est beaucoup plus compliqué.

"Si une entreprise annonce qu’elle va faire du design thinking sur la base de deux jours d’ateliers sans aucun client, cela ne va pas fonctionner."

Les méthodologies d’innovation comme le lean start-up et le design thinking sont de très bons outils pour créer des démarches d’innovation car elles contiennent de bonnes idées : faire du design thinking pour comprendre le problème, produire un MVP pour valider que le produit répond aux attentes, faire du growth hacking pour faire grossir son produit… Encore faut-il bien les pratiquer. Si on veut faire du lean, il faut comprendre l’amélioration continue. Quand on fait du design thinking, il faut comprendre la puissance de l’observation. Si une entreprise annonce qu’elle va faire du design thinking sur la base de deux jours d’ateliers sans aucun client mais avec quarante cadres prêts à faire de l’idéation, cela ne va pas fonctionner.

Innover, ce n’est pas avoir des idées. Les idées, c’est le carburant de départ, mais il est facile d’en avoir. Ce qui est compliqué, c’est la suite, c’est la colonne de distillation. Au-delà d’appliquer des méthodologies à la lettre, il faut aussi aborder le sujet avec un état d’esprit basé sur l’humilité et l’orientation client. Dans Tout est dans l’exécution, Ram Charan et Larry Bossidy insistent sur ce point. Nous sortons d’un siècle entier où l’entreprise pensait pour son client. Au 21e siècle, ce n’est plus le cas. Évidemment, il est plus facile d’imaginer un service dans une salle avec cinq personnes, c’est mieux pour l’ego ! Mais l’innovation, c’est aller se confronter à la vraie vie, ce n’est pas rester au stade du PoC (proof of concept). ”

Témoignage recueilli par Olivier Rafal et Séléna Coquil

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